Ce week-end dans le supplément familles du journal Ouest-France, il y avait un dossier intitulé « Bébé doit-il avoir une tétine ?», avec le témoignage d’une maman, des conseils, et un entretien avec une certaine Myriam Szejer, pédopsychiatre et psychanalyste, attachée à la maternité Antoine-Béclère, à Clamart. Cette interview m’a profondément choquée, vous allez vite comprendre pourquoi en lisant ce petit extrait:
“Lui enfoncer une tétine dans la bouche, c’est lui dire « tais-toi ». Rien de bien épanouissant ni pour les parents, ni pour l’enfant, ni pour la relation qu’ils ont à construire. Les parents ne jouent pas leur rôle qui est de faire connaissance avec leur enfant, d’apprendre son langage, de l’apaiser par des câlins, des paroles, de le bercer, de le porter et de l’aider à s’endormir. Cela demande du temps, de la patience (…) La tétine va faire partie des premières dépendances dans la vie d’un être humain. La manière dont les adultes accompagnent l’oralité des bébés aura un impact sur son oralité future. La tétine favorisera t-elle des générations de tabagiques, des troubles des conduites alimentaires, des problèmes psychologiques ? C’est en partie possible.”
Je ne souhaite pas me lancer ici dans un débat pour ou contre la tétine, ce n’est pas la question. Je n’étais pas pour avant la naissance de ma fille, j’ai fini par lui en donner une vers un mois parce qu’elle avait un besoin de succion important, et que je n’arrivais plus à suivre, physiquement et psychologiquement. Mais si on peut s’en passer tant mieux, voilà en gros mon avis.
Non ce qui m’a choqué dans les propos de cette psy, ce n’est pas le fait qu’elle déconseille la tétine, mais la violence de ses arguments et des termes choisis. « Lui enfoncer une tétine » (comme si le fait de donner une tétine à un enfant était un acte de maltraitance), « Les parents ne jouent pas leur rôle » (= vous êtes de mauvais parents). Est-ce que j’ai aussi besoin de revenir sur la dernière partie de l’extrait, où là vraiment, on atteint les sommets du grotesque ? Je n’ai pas fait une nuit complète avant les 9 mois de ma fille, je l’ai allaitée pendant 15 mois, je me suis occupée d’elle quasiment 24h/24 pendant 2 ans et demi, j’ai joué, j’ai ri avec elle, je l’ai consolée pendant d’innombrables heures… mais peu importe, je lui ai un jour acheté une tétine, et je vais devoir vivre maintenant avec la menace de l’avoir mise sur le chemin du tabagisme, de l’anorexie ou de la dépression. Mazette, rien que ça. Peut-être même que j’ai enfanté une future tueuse en série, allez savoir.
Après avoir lu cet article, j’ai eu une pensée émue pour cette jeune maman épuisée par les nuits sans sommeil, par l’allaitement à la demande et les douleurs des crevasses, par les pleurs incessants de son bébé qu’elle passait des heures et des heures à bercer, cette maman que j’étais il y a un peu plus de deux ans, et qui a trouvé dans la tétine un allié – parmi d’autres – pour retrouver une relation plus sereine avec son bébé. J’ai surtout pensé à toutes les jeunes mamans, surmenées, perdues, qui ont lu ce putain d’article (oui je suis énervée) et qui y ont trouvé une raison de plus de culpabiliser sur le chemin de croix de la mère parfaite. Comment un professionnel de santé, psy de surcroît, peut-il se permettre de parler avec si peu de modération à de jeunes parents souvent fragiles? Ce que je trouve encore plus regrettable c’est que ce genre de propos paraisse dans un journal populaire à grand tirage, même si le dit-journal n’est pas réputé pour sa finesse.
Et si finalement j’ai envie de dire une seule chose à Madame Szejer, c’est que les mauvais psys, leurs jugements froids et caricaturaux, font sans aucun doute bien plus de mal à nos bébés que leurs foutues tétines.
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